"Pierre la regardait émerveillé, tant elle lui semblait rose et saine, sous le chapeau de feutre noir qu'une longue épingle d'argent fixait dans l'épais chignon. Ses admirables cheveux bruns, relevés très haut, découvraient sa nuque fraîche, qui restait d'une délicatesse d'enfance. Et jamais il ne l'avait sentie si souple dans sa force, les hanches solides, la poitrine large, mais d'une finesse, d'une grâce charmantes...
- Ah ! la culotte, la culotte ! continuait-elle en plaisantant. Dire qu'il y a des femmes qui s'entêtent à garder leur jupe pour monter à bicyclette !
Et, comme il déclarait qu'elle était très bien dans son costume, sans intention galante d'ailleurs, uniquement désireux de constater le fait :
- Oh ! moi, je ne compte pas ... Je ne suis pas belle, je me porte bien, voilà tout ... Mais comprenez-vous ça ? des femmes qui ont une occasion unique de se mettre à leur aise, de voler comme l'oiseau, les jambes enfin dégagées de leur prison, et qui refusent ! Si elles croient être belles, avec des jupes écourtées d'écolières, elles se trompent ! Et quant à la pudeur, il me semble qu'on doit montrer plus aisément ses mollets que ses épaules.
Elle eut un geste de passion gamine.
- Et puis, est-ce qu'on pense à tout ça, lorsqu'on roule ? ... Il n'y a que la culotte, la jupe est hérétique." Extrait de Paris d'Emile Zola.